Continuer le combat

J’acquiesce au remerciement de compréhension, le mouvement venant aussi naturellement que le sentiment, et cela entre en conflit avec la manière dont je dévore la pizza qui se retrouve du fait un peu plus déchiquetée que précédemment. Une chose à laquelle je ne prête guère d’attention, souriant à la promesse de Valerie. Qu’importe les difficultés, elle croit toujours en sa famille mystérieuse tout comme elle considère que celle-ci peut s’ouvrir sur d’autres.

Ainsi que ne pas se refermer sur ceux qui l’ont quitté. Ne pas vivre dans la rancune est quelque chose qui me semble étrange car, à défaut de s’obséder sur celle-ci, je crois qu’il faut garder en mémoire les problèmes. Cela offre la véritable valeur aux améliorations qui sont faites comme révèle la malignité de leur absence. La mémoire est quelque chose que mon peuple semble bien plus cultiver que les humains, sans doute par l’approche du temps et l’espérance de vie différente, afin d’éviter d’entreprendre les mêmes erreurs que par le passé. Nombre de discours humains font échos à des erreurs qu’ils ont déjà faites et veulent refaire, parfois parce qu’ils ne les considèrent pas comme des erreurs.

La mauvaise communication est quelque chose que je comprends parfaitement, pour l’avoir vécue plus d’une fois avec d’autres peuples, mais la tension me semble naturelle à l’Homme. Elle fait partie de sa culture et de sa construction, s’opposant à ses semblables pour sortir du lot, même si tous n’ont pas vocation à la cultiver et que beaucoup parviennent à vivre en paix avec elle. Mon sourire se manifeste une nouvelle fois et j’hoche encore la tête à l’espoir de Valerie pour l’avenir.


Mon encouragement se termine ainsi et ma première pizza également, me laissant dans l’attente de la suivante avec un appétit légèrement plus ouvert. Je n’éprouve peut-être le besoin de manger que toute les cinquantaines de jours, comme celui de dormir, mais je me nourris à la mesure tant dans la quantité que dans l’entrain.

J’ignore si cela aide contre la dépression mais la discussion avec Valerie l’a doublement fait, assurément. Me détourner de mes problèmes afin d’essayer de l’aider dans les siens, prouvant confiance et affinité, comme le fait de discuter d’espoirs tend à faire percevoir le futur comme plus optimiste que nos sombres pensées pourraient le laisser considérer. Après tout, malgré les difficultés du passé, le présent n’est pas si problématique non plus.

Les tourments de l’âme jouent sur notre vision mais peinent à obscurcir le partage de celle-ci lorsqu’il est fait par des personnes qui, malgré leurs propres chaos, continuent d’agir et d’espérer. Valerie est de ces personnes, assurément, tout comme elle sait encourager d’autres à en être. Même si je regrette ma défaite, je ne regrette pas de m’être battue pour la jeune humaine qui me fait face parce qu’elle mérite cela. Sans chercher la croyance des autres en elle, elle l’obtient. Sans renier ses erreurs, elle avance vers ses réussites. Sans céder à ses faiblesses, elle les partage et en retire des forces.

Je sais que tous les humains ne sont pas ainsi, que ce soit au sein des Vengeurs ou des peuples de Midgard, et peut-être que les gens comme elle sont une minorité. Mais cela n’empêche en rien leur valeur et, plus que me la faire découvrir, Valerie me donne l’envie de me battre pour cette valeur et pour elle. Oui, sa vie est brève par rapport à la mienne et elle vieillira puis périra avant que je ne change physiquement mais son souvenir perdurera au même titre que l’influence qu’elle aura eu durant les éphémères années ou décennies que nous nous serons côtoyées. Peu d’Asgardiens comprennent cela car beaucoup privilégient une perception de la brièveté humaine plutôt que du nombre de choses qu’ils sont capables de faire durant celle-ci. Hors, c’est leur plus grande force comme leur plus grande faiblesse, cette énergie fragile, et des êtres comme Valerie Hopkins font comprendre que les membres d’autres espèces plus anciennes comme on en trouve dans la Justice League ou dans les Vengeurs soient toujours amenés à croire dans cette jeunesse.

Les humains naissent et grandissent dans un chaos étant parti prenante de leur culture et qu’ils entretiennent sans savoir, tant dans leurs êtres que dans leurs sociétés. Mais, si ce chaos peut les effrayer ou les contraindre, ils y font face et l’alimentent pour le changer. Pour aller vers du mieux.

Valerie ne doit pas avoir un quart de siècle et pourtant elle trouve le temps comme la force de chercher à renouer avec une famille avec laquelle elle n’est en conflit que depuis quelques années tout en se battant contre les êtres qui s’opposent à ses valeurs tant dans l’organisation à laquelle elle a prêtée allégeance que dans les adversaires de celle-ci. Sa vie, que ce soit dans son âme ou dans ses interactions avec les autres, est un conflit plus ou moins intense auquel elle fait face avec courage, détermination et surtout espoir. Je ne suis pas de ceux qui peuvent être insensible face à cela et c’est pour cela que, malgré nos différences, je suis heureuse de pouvoir me tenir à son côté. Comme dans tout combat, il y aura des difficultés et des échecs. Mais comme dans toute existence, il y aura l’occasion d’apprendre et de s’améliorer.

Je tenais à m’excuser d’avoir failli à défendre l’honneur de Valerie Hopkins. Plus que me faire comprendre que cela n’était pas quelque chose pour laquelle elle me tiendrait rigueur, mon amie m’a fait comprendre la valeur de sa confiance et ouverte son âme. Et m’a aussi fait découvrir d’excellents mets. Cela peut sembler peu à côté du reste mais ça fait également parti du charme ; certainement plus que ma façon de manger d’ailleurs…