Trouver sa force

Il est beaucoup de choses que je ne m’étais jamais rendue compte avant ce stage. Je n’irai pas jusqu’à dire que je me suis jusqu’ici tellement concentrée sur l’idée d’avoir des pouvoirs que j’en ai négligées les compétences que je développais à côté mais il y a de l’idée. Et considérant que je n’ai pas tellement réfléchies les possibilités offertes par mes pouvoirs, tant j’étais occupée à m’acharner à prouver leur existence, j’en arrive donc à la conclusion que je suis plus puissante que j’en ai l’air. C’est pas bien dur mais quand même.

Hors donc, j’en suis à faire des heures supplémentaires afin de m’exercer sur ces « nouvelles » possibilités. Je vais vraiment finir en carpette avant la fin de la semaine parce que même ma condition physique « exceptionnelle » risque de pas tenir le coup. Mais je m’en fous : j’ai deux semaines de vacances donc la seconde se passera au lit et je pourrais bien miauler mes besoins pour emmerder mes parents quand ils bossent pas, comme au bon vieux  temps, et tant que je suis au Manoir Braddock, j’encaisse et je progresse. Ça s’appelle avoir l’esprit pratique.

Je suis douée dans l’art d’être au mauvais endroit au bon moment, tant par talent que par chance, mais je ne pensais pas pouvoir poser autant de problèmes à des adversaires de haut niveau. Nan parce que franchement, même si l’on avait des gens doués dans la Cour des Miracles, je ne mettais aucune de mes connaissances dans la catégorie « adversaires de haut niveau » et c’était pas franchement les criminels que nous attrapions qui pouvaient relever le niveau. Mais Valerie est l’une des meilleurs combattantes au monde et je peux tenir face à elle bien plus que je ne le devrais. Passer le « I’m the Lucky One » habituel, ça donne sérieusement à réfléchir sachant que, se faisant, je me dis qu’il n’y a pas de raison de ne pouvoir tenter ma chance offensivement. Du coup, je tente sur commande.

Je le fais au gymnase du Manoir, l’un des lieux auquel j’ai accès même sans être accompagnée ; j’ignore s’il s’agit-là d’un test pour voir ce que je tente de faire de mon temps libre mais, même si l’appel de mon lit est tellement fort que j’ai l’impression que mon oreiller me fait un smile à chaque fois que je le vois, j’en profite. En jeans déchiré et en t-shirt, sweet-shirt et veste de vrai faux cuir contenant mes accessoires attendant parterre au côté une bouteille d’eau, je colle de temps à autre une mitaine dans la gueule du punching-ball auquel je fais face avec beaucoup de concentration et un calme contrastant pas mal avec la musique que mes écouteurs me projettent en boucle dans les oreilles.


Je bite rien au japonais mais j’ai saisie l’idée du truc, l’animé est sympa d’ailleurs, et le One Punch est ce qui m’intéresse justement. Je n’aurai jamais la puissance d’un Superman ou l’adresse d’un Batman, sachant qu’à mes yeux Saitama est le mélange des deux sans les beaux idéaux de l’un et le légendaire de l’autre, mais je suis très intéressée par le fait de faire du Lucky Punch un Lucky’s Punch.

Je ne connaissais pas l’expression jusqu’à récemment, même si j’envisageais parfaitement les implications de la chance dans une confrontation, mais comme le reste j’apprends et je découvre. Et cette histoire de coup chanceux peut me rendre encore plus chiante que je ne suis déjà. Je me bats étonnamment bien pour l’entrainement que j’ai reçu, même si c’est complètement ridicule face aux niveaux des membres de l’Excalibur et autres groupes d’élite, et ai du faire un certain nombre de coups chanceux sans m’en rendre compte dans ma vie mais si je parviens à maitriser cela… ben c’est bien. Nan mais c’est vrai, j’ai pas tellement à faire la promotion du Lucky Punch et ça explique pourquoi ça m’intéresse.

Maintenant, il y a deux bémols  à mon plan : de un, c’est probablement pas gagné même si je cheate le probablement. De deux, ben s’entrainer à faire des coups chanceux contre un punching-ball c’est une idée à la con parce que le sac de sable il s’en tape complètement que ça soit chanceux, juste que tu te le prends dans la gueule si c’est malchanceux. Du coup il n’y a pas moyen de savoir si je fais un coup chanceux. La question logique est alors de savoir ce que je fous là parce que, toute obstino-bornée que je sois, je suis pas conne. Et c’est parce que je suis pas conne que je n’ai demandé à personne de prendre la place du punching-ball pour voir si ça marchait. Y’aura de nouveaux entrainements pour ça, plus tard.

Pour l’heure, je tâche de reproduire des moments particuliers et assez désagréables de ma vie, des moments où il me semble logique d’avoir libérée de façon consciente ma chance. La bataille contre les mutants à la station de métro Porte de la Chapelle, l’affrontement avec Arlequin, la volonté de gagner le voyage aux USA… Ma respiration est calme et mon poing serré. Je ne cherche pas la colère ou la peur, je cherche ce qu’elles alimentaient. A chaque fois que je penser le trouver, je frappe. Un unique coup de poing.

Le réveil de mon téléphone me signalera quand l’heure de retourner auprès de Valerie arrivera afin que je ne sois pas trop en retard mais, jusque là, j’ai bien l’intention de continuer de me fatiguer émotionnellement et à frapper. Cela peut peut-être sembler ridicule vu de l’extérieur, puisqu’après tout je semble attendre une ouverture imaginaire pour porter un coup à un sac de sable, mais rappeler le passé à mon bon souvenir quand celui-ci est mauvais, c’est éprouvant. Je sais que ni ma volonté ni mon entêtement ne sont infaillibles mais j’en conserve beaucoup alors je continue.