Une Histoire Courte? (Oracle|Dick)

Dehors, le temps ne semblait pas pressé de se calmer. La pluie s'était abbatue sur Gotham et depuis quelques jours le ciel était plombé de lourds nuages. Barbara aimait ce temps à l'orage, la douce mélodie de la pluie qui battait contre la grande verrière de la Clocktower où elle avait installé ses quartiers. Elle s'était habituée à ce bruit familier, rassurant. Pourtant, elle avait maudit pendant des années cette pluie fine et glaciale qui la trempait jusqu'aux os et n'épargnait pas un centimètre carrée de sa peau pourtant censément à l'abri sous son costume. Mais les nuits passées dehors n'étaient plus qu'un souvenir. Désormais, Barbara pouvait en toute quiétude apprécier le bruit d'une averse. Au moins cela. Elle pouvait toujours trouver toutes les excuses, toutes les bonnes raisons qui auraient du lui faire ne pas regretter son ancienne vie... Rien n'y faisait. Ces nuits passées dans le froid, sous la pluie ou la neige à lutter contre les éléments, contre les cauchemars de Gotham et contre elle-même lui manquaient terriblement, comme une blessure qui malgré les années n'avait jamais pu se cicatriser. La plaie était encore là, béante, si douloureuse. Désormais, elle était contrainte de rester derrière, bien au chaud, bien à l'abri. Et cela la rendait malade. Elle aurait tout donné cette nuit pour être avec ceux qui avaient partagé sa vie de Batgirl, ceux qu'elle avait cotoyé, aux cotés desquels elle s'était battu, qu'elle avait aimé...

Ces années revenaient régulièrement la hanter. Ce qui aurait pu se passer, comment les choses auraient évoluées. Peut-être se serait-elle finalement résolue à raccrocher la cape et serait-elle devenue Oracle malgré tout. Elle se rendait compte à quel point ils avaient manqué de quelqu'un comme ça, pour les épauler constamment. Alfred avait été d'un aide incommensurable derrière les écrans de la Batcave à l'occasion mais ils auraient pu être tellement plus utiles s'ils avaient été dirigés comme elle le faisait, dispatchant les informations à ceux qui pourraient y répondre le plus vite et le plus efficacement. Elle servait de relai pour toutes les informations et elle se rendait compte à quel point ils auraient pu gagner tellement de temps. Alors peut-être par la force des choses aurait-elle endossé ce rôle. Après tout, elle avait beau se plaindre elle aimait aussi son poste et pour si frustrant qu'il fut, il était indispensable et quelqu'un devrait bien s'y coller.

Quand elle avait reçu le message de Dick, elle était plongée dans ces réflexions. La nuit était déjà tombée et après le rush de la mise en place, elle était étonamment peu occupée. Chacun vaquait à ses enquêtes, personne n'avait besoin d'elle ce soir, cela devait être une nuit tranquille... Jusqu'à la prochaine catastrophe. Une évasion massive d'Arkham ? De Blackgate ? Ou pire encore ? Mieux valait ne pas y penser, conjuguer au futur était de totue façon interdit à Gotham. Parce que chaque jour pouvait être le dernier, ou pire que celui d'avant du moins. Il ne faudrait pas longtemps à Dick pour arriver dans son appartement, et elle avait désactivé certains protocoles de sécurité pour éviter qu'il ne réveille tout l'immeuble en déclenchant les sirènes ou fasse rameuter tout Batman Inc... En attendant, elle avait gagné la cuisine pour leur préparer un thé.

Dick. Les choses entre eux étaient bien complexes entre eux. Elles l'avaient été depuis le début, depuis leurs premières rencontres. Un jeu de gosses, d'ado qui commencent à bouillonner de sentiments, un jeu de je t'aime moi non plus comme elle n'en avait partagé avec personne. Leur complicité avait été évidente, avec le masque bien sûr mais aussi sans. Ils avaient franchit le pas des années plus tard, et Barbara gardait un souvenir tendrement douloureux de cette époque. Son bonheur n'avait rarement été aussi complet. Avant que le Joker ne s'en mêle. La mort de Jason fut comme un coup de massue pour tous. Dick qui avait commencé à prendre son envol décida de quitter Gotham. Barbara refusa de le suivre, sentant qu'ils en étaient arrivés à un tournant dans leurs vies et qu'ils avaient besoin de découvrir qui ils étaient. Et ce genre de quête ne pouvait se faire à deux. Elle savait qu'il avait eu une relation avec un autre, une extraterrestre, et elle avait été terriblement blessée d'avoir si vite été remplacée, mais après tout il restait Dick, qui aurait pu s'attendre à quoi que ce soit d'autre ? Comment imaginer qu'il ne fasse pas tomber toutes les filles à New-York. Alors, Barbara avait commencé à avancer elle aussi. Elle avait eu des aventures, une relation un peu plus sérieuse, et puis le Joker était revenu.

Elle n'avait pas cherché à revoir Dick, elle n'en était pas capable. Parce qu'il avait encore la vie devant lui, parce qu'il se tenait sur ses deux jambes et qu'elle ne supportait pas l'idée que sa vie semblait s'être arrêté alors que la sienne continuait. Il était malgré lui un rappel constant de ce qu'elle avait perdu et ne retrouverait jamais, un rappel constant de sa vie passée qu'elle regrettait amèrement. Et cette amertume les avait éloigné. Elle ne pouvait avancer que seule, que si elle s'en découvrait seule le courage. Depuis son retour les choses avaient été étranges. Elle savait qu'il s'était fait larguer, ou peut-être était-ce lui à l'origine de la rupture, les détails n'avaient aucune importance. Il était revenu à Gotham, alors qu'elle y était de retour depuis peu. Le voir avait été une épreuve. Il était toujours égal à lui même, n'avait rien perdu du charme et de la fraîcheur qui le caractérisait. Barbara n'était toujours pas insensible à ces choses là, et maintenir la distance entre eux s'était révélé bien plus complexe qu'elle ne l'avait pensé. Il suffisait qu'elle le regarde pour se rappeler les bons moments passés, mais aussi pour se rappeler qu'ils étaient partis définitivement et ne reviendraient probablement jamais. Comment pourrait-elle replonger dans cette relation quand elle n'était plus la même ? Pourtant, ils avaient repris le même jeu, comme avant, comme toujours. Ils se tournaient autour, sans réussir à construire quoi que ce soit. C'était entièrement de sa faute, elle le reconnaissait volontiers. Elle ne cessait d'être celle qui le repoussait. Parce que c'était trop dur à vivre, parce qu'il n'avait pas changé, parce que le voir virevolter sans se rendre compte de la chance qu'il avait devenait insupportable. Ils avaient eu de bons moment, de beaux moment, mais elle n'avait cessé de lui dire non. Parce qu'elle n'était pas encore capable, parce qu'elle avait peur aussi. Parce qu'elle avait peur de le perdre, pour de bon cette fois, et comment pourrait-elle le laisser se mettre en première ligne ? Egoistement, elle le retiendrait et comme on lui avait coupé ses ailes elle finirait par couper les siennes...
Elle l'entendit rentrer depuis la cuisine où elle venait d'éteindre la théière. Passé une certaine heure elle évitait le café, elle se connaissait et savait qu'elle avait besoin de dormir à partir d'une certaine heure. Elle s'adressa à lui depuis la cuisine alors qu'il était certainement dans le salon.

- J'amène le thé, assieds-toi j'arrive.

Barbara sortit de la cuisine avec la théière et deux tasses posés sur un plateau sur ses genoux. Elle sentit son coeur se serrer en croisant son regard. Dieu qu'il était sexy dans son costume, c'était totalement inhumain de lui infliger ça. Mais elle sourit, balayant de force ces pensées. Professionnelle, elle devait rester professionnelle. Elle posa le plateau sur la table basse devant le canapé et resta dans son fauteuil en face de lui.

-  Alors, qu'est-ce qui t'amène ? J'imagine que si tu es là et pas en patrouille c'est que tu as des choses à me raconter...

Etait-ce personnel ou "professionnel" ? Barbara devait bien avouer que depuis son retour, si leur relation avait bien failli redevenir ce qu'elle avait été, elle n'était pas sure de vraiment savoir ce qu'elle voulait. En revanche, elle était sûre qu'elle vivrait mal de l'entendre parler de ses conquêtes et qu'il vienne lui demander son avis comme il on le faisait à une meilleure amie. En son for intérieur, Barbara priait pour que ce ne soit pas de cela dont il était venu lui parler. Sans doute venait-il plutôt chercher des informations, ou lui en donner, mais il aurait pu les lui demander par radio comme les autres fois. Avait-il envie simplement de la voir ? Ou avait-il saisit un prétexte pour passer lui-même en personne ?