Rien de cassé? [ pv Danielle ]

Rien de cassé?

« Sara avait envie de s’entraîner ce matin. Elle aimait ça, les entraînements où elle était seule et où elle pouvait laisser libre cours à l’animal sans mettre personne en danger. Comme il faisait jour, elle s’était isolée dans les bois jouxtant l’Institut afin de ne pas risque de se faire repérer. Elle avait enfilé une tenue très simple pour lui permettre de bouger et était restée pieds nus, toujours plus à l’aise. Elle ne craignait aucune température à ce niveau, elle avait déjà couru dans la neige étant enfant ou marché sur du goudron brûlant. Elle avait les plantes de pieds aussi solides que les coussinets d’un loup et, si elle portait des chaussures régulièrement, c’était pour ne pas se démarquer des autres. Ses mains n’avaient rien de doux non plus : habituées à être malmenées par divers combat dans la nature et diverses escapades plus ou moins réussies, elles s’étaient elles aussi suffisamment durcies pour ne pas être sensible à la moindre épine. Attraper une ronce à mains nue ne lui faisait pas peur, elle ressentait bien moins la douleur qu’un humain de base. Sa faiblesse, c’était sa force : elle n’en n’avait pas beaucoup plus que quelqu’un de bien entraîné à un sport de frappe quelconque. Elle avait une technique plutôt bonne et elle était très endurante, mais elle était facile à vaincre si elle baissait sa garde une seconde. Sa technique consistait à épuiser son adversaire, étant capable de courir plusieurs kilomètres à bon rythme sans se fatiguer, il lui était aisé de pousser l’autre dans ses limites au niveau énergétique. Il lui suffisait alors de frapper au bon moment et au bon endroit. Ca en faisait une bonne combattante en règle générale. Un autre de ses points faibles était sa maladresse. C’est un défaut connu à la quasi-totalité des loups : ils chutaient régulièrement lors de leurs chasses. Elle avait le souvenir de quelques unes qui auraient pu être drôles si elle n’avait pas été dangereuses et d’autres qui étaient réellement amusants, comme le jour où, jouant à la course poursuite avec les jeunes loups de la meute, Fedele avait glissé devant elle, l’emportant au passage et roulant jusque dans la rivière à un mètre derrière eux. Elle sourit à se souvenir, puis se sentit un peu triste. Ses loups lui manquaient tellement… Refreinant un hurlement, elle s’arrêta à un endroit qu’elle trouva adéquat pour commencer son entraînement.

Elle était venue en trottinant, histoire d’échauffer son corps, tout en s’arrêtant régulièrement pour faire des étirements. Elle était prête à commencer et ce petit coin où les arbres étaient hauts et possédaient de nombreuses branches étaient parfaits. Aujourd’hui, elle avait décidé de travailler son adresse. Grimper aux arbres pouvait être salvateur, ça surprenait l’adversaire et lui permettait de gagner du temps, voire de s’échapper suivant l’endroit où elle se trouvait. Elle observa un instant autour d’elle : l’endroit était désert. Parfait. Elle ramassa son corps jusqu’au sol et bondit dans une parfaite détente jusqu’à une branche solide et pas très haute. Elle s’y agrippa et se hissa jusqu’à la moitié de l’arbre afin d’observer les alentours, puis de bondir sur un autre. Elle continua ainsi à stimuler son adresse durant une bonne dizaine de minutes, grimpant, descendant, grimpant à nouveau, se laissant tomber d’assez haut pour améliorer ses descentes d’endroits relativement dangereux. Elle décida de faire une petite pause et alla s’appuyer contre un des arbres. Elle avait oublié de prendre de l’eau, erreur de débutante qu’elle allait payer dans le sens où elle devrait s’entraîner moins longtemps que prévu, pour éviter la déshydratation. Elle soupira et s’étira à nouveau une minute, puis entreprit de grimper dans l’arbre au dessus d’elle. Hélas, elle n’avait pas prévu que le haut de la branche allait être recouverte de mousse… et la mousse, ça glisse ! Elle tenta de se rattraper mais retomba violemment au sol, mains derrière elle. Son poignet gauche céda sous le choc et elle poussa un cri de douleur. Son premier réflexe fut de se remettre sur ses pieds afin de voir si le bas du corps fonctionnait. Bon, elle allait sans doute avoir un bleu magnifique sur une des fesses mais tout était en état. Par contre, lorsqu’elle tenta de bouger son poignet, elle grogna et ne put retenir son morphing en louve sous le coup de la douleur. Elle tituba un peu plus loin. Elle espérait ne s’être rien cassé, elle était gauchère et perdre son poignet gauche l’espace de quelques semaines serait un calvaire. Occupée à reprendre son souffle et à canaliser la louve qui aurait voulu fuir en courant, au risque de se faire encore plus mal, elle n’entendit pas que quelqu’un arrivait derrière elle. »
 

« Tout le poignet de Sara lui faisait mal. Ses doigts répondaient, mais elle était incapable de plier la base de la main. Elle grogna, furieuse de ne pas avoir mis de bandes de protection, qui auraient pu maintenant son poignet et éviter une blessure. Elle s'assit un instant, tentant de reprendre un esprit totalement humain afin de pouvoir se rendre à l'Institut, car si elle restait ainsi en transition animale, elle serait impossible à toucher et donc impossible à soigner. Elle pouvait même devenir dangereuse. Ses pensées étaient embrouillées, inutile d'essayer de se concentrer, la douleur prenait le dessus, ça lançait si fort qu'elle en aurait pleuré. Si elle avait la chance de n'avoir rien cassé, elle s'était au moins faite une grosse entorse, voir s'était tendu quelque chose à l'intérieur. Elle reprit doucement son souffle, ainsi appuyée contre l'arbre, au sol.

Ce fut soudainement qu'elle réalisa la présence derrière elle. Elle dut contenir l'animal de toutes ses forces pour ne pas que ce dernier saute à la gorge de la jeune femme qui avait prononcé quelques mots. Malheureusement, ainsi mi-animale mi-humaine, elle ne comprenait pas le sens des phrases de manière claire. En revanche, elle en comprenait parfaitement le ton et celui-ci était accueillant, un peu inquiet. L'inconnue l'avait probablement entendue chuter et avait envie de l'aider. On aurait pu dire que la partie humain de Sara avait envie de l'écouter, mais... non. L'humaine fuyait autant que la louve les gens qu'elle ne connaissait pas. Cette femme portait certes l'odeur de l'institut, mais c'était tout ce qu'elle avait de familier. Et il était hors de question que Sara se laisse approcher, surtout pas en étant ainsi blesser.

Sara se releva et fit quelques pas en arrière, fixant la jeune femme de ses yeux dorés et se mit à grogner sourdement, soulevant les lèvres pour dévoiler des dents plus pointues qu'une humaine de base. N'importe qui se trouvant en face pouvait comprendre qu'elle ne voulait pas qu'on l'approche. Si l'inconnue s'approchait, Sara attaquerait probablement, même si elle était plus faible qu'en temps normal, elle était tout à fait capable de se battre avec un poignet en moins. Elle l'avait déjà fait quelques années en arrière. »