L'esprit de Noël dans nos coeurs ! [Leandra]

Moto ? Quelle question ! Bien sûr, sa préférence allait aux deux roues, et ce pour diverses raisons, toutes très valables. D'abord, il voulait faire plaisir à Leandra. Il ne serait donc pas très gentil de partir sur une autre idée au dernier moment, surtout quand elle lui avait exprimé pendant plus d'une heure sa passion pour ce type de véhicule. Ensuite, c'était quand même beaucoup plus classe de raconter autour de lui qu'il avait fait de la moto. En restant vague, il n'était pas obligé non plus de préciser qu'il avait roulé sur un circuit de karting. Ça impressionnait les filles, non ? Oui, parce que, l'air de rien, ce genre de considération commençait à avoir une certaine importance pour lui. Et, même s'il était indispensable d'avoir un permis de voiture (on pouvait emporter plus d'amis avec soi dans une voiture !), il serait toujours intéressant de savoir s'il aimait aussi la moto. Dernier point – oui, il avait envisagé tout cela à la fois – on pouvait faire des figures acrobatiques en moto et relever de nouveaux défis. En plus, ceux-là présentaient plus de risques que le skate, qu'il n'avait pas mis beaucoup de temps à maîtriser parfaitement. Ce serait donc plus impressionnant à montrer. Savoir s'ils payeraient une autre séance pour tenter le kart ne l'inquiétait plus du tout tandis qu'il s'élançait joyeusement pour choisir sa fière monture. Il devait en revanche faire attention à ne pas trop jouer avec le feu et casser par inadvertance sa mini-moto, ce qui manqua d'arriver quand il essaya d'avancer sur une roue. Forcément, c'était un peu plus puissant qu'un simple vélo. S'il perdait la maîtrise, il était toujours assez agile pour bondir sur le côté et retomber sur ses pattes, mais son véhicule risquait de mal le vivre. Il réussit heureusement à retrouver un contrôle in extremis pendant que Leandra lui faisait de gros yeux.

Le moniteur l'interrompit à la fin du tour de piste pour lui faire tout un discours sur le fait qu'il n'était pas autorisé à faire le guignol avec leur matériel, en précisant le montant de la facture qui lui serait adressée même s'il finissait à l'hôpital. On aurait pu penser qu'avec sa tendance à s'excuser pour tout et n'importe quoi, Casey allait reconnaître son erreur, exprimer sa gêne, et s'amuser normalement. Mais Casey ne serait pas Casey s'il ne se comportait pas de manière systématique en décalage avec ce qui était attendu de lui. Il se contenta de hocher la tête de mauvaise grâce, reprit le tour en boudant ouvertement et s'éveilla quand, sans doute lassée par son attitude, Leandra lui proposa de faire la course. A la toute fin, ce fut plus fort que lui, il répéta la figure car il n'y avait aucune raison pour qu'il échoue une seconde fois et il tenait à ce que le moniteur – qui avait osé mépriser ses capacités – le sache. Comme prévu, il fit une bien meilleure réception mais son acte de rébellion écrasa dans l’œuf toute perspective de second round. Casey encaissa les remontrances d'une oreille, déjà prêt à partir pour de nouvelles aventures. Il quitta le circuit pour se diriger vers le bus dans une parfaite insouciance. Son enthousiasme laissait à peine supposer qu'un incident avait eu lieu.

– C'était top ! Mais un peu trop gentil quand même. J'aurais aimé pouvoir faire autre chose que tourner en rond. Il faudrait tester avec des moteurs plus puissants à l'occasion. J'avais encore jamais pensé à la moto mais ça peut être pas mal à conduire aussi, tu as raison. Enfin, je crois que ce qui me plairait le plus c'est d'essayer de faire des cascades avec ! Je devrais pouvoir faire ça ! Hey je pourrais faire doublure dans les films, t'en dis quoi ? Ils s'en ficheraient que je sois un mutant normalement non ? Bon après… Il y a plus marrant qu'être juste une doublure, c'est sûr. Mais c'est difficile d'être le héros d'un film de kung fu quand on est pas asiatique. – Il s'interrompit un instant, sans doute conscient de partir en vrille totale. – On s'en sort bien au final. Il nous reste plein de temps pour les courses !

Puisqu'ils étaient dans une zone industrielle, le supermarché le plus proche n'était pas très loin, et rempli de boutiques en tout genre. Ils décidèrent donc d'y aller à pied en revenant sur leur expérience au karting, la liste des courses, les éventuels cadeaux de Noël à acheter – un sujet qui passionnait grandement Casey. L'institut lui permettait de toucher de l'argent de poche chaque mois. Il le dépensait généralement très vite et n'en avait plus à proprement parler. Mais, si l'adolescent n'avait pas évoqué le problème, c'était pour la simple raison qu'il détenait de manière pas tout à fait officielle des chèques de l'institut Xavier. Il les avait repérés un jour et n'avait pu résister à la tentation d'en découper quelques uns pour son utilisation personnelle au cas où il lui prenne l'envie de faire une surprise aux membres de l'institut, comme un repas de Noël ou des cadeaux ! Il n'y avait aucun mal à cela puisque ce n'était pas dans son intérêt mais dans celui de tout ne monde, bien entendu.

La liste de Casey était très complète en ce qui concernait la nourriture, un peu trop même. La foule ne semblait pas un frein à son enthousiasme. Sortir avec Casey la veille des fêtes de Noël vous faisait mesurer que, oui, il existait des personnes que l'idée d'aller dans un endroit totalement bondé parce qu'on s'était préparé au dernier moment ne représentait pas un problème, et, pire, ne les perturbait pas dans leurs objectifs… Il avait une sorte de plan mental de l'organisation habituelle des rayons pour savoir se repérer et, avec sa rapidité à identifier tout ce qui l'intéressait, la pauvre Leandra n'avait pas beaucoup d'autres choses à faire que porter les denrées qui s'accumulaient dans leur chariot à une vitesse affolante. S'ils allaient manger tout ça en une soirée ? Sans doute que non. Mais ils auraient le temps d'aviser une fois de retour au château non ? Au pire, ça serait bien mangé par quelqu'un à un moment, donc pas de souci niveau gaspillage. Il était assez difficile de dire si Casey respectait vraiment sa liste. Il ne pouvait s'empêcher de rajouter des produits dont il n'avait pas la moindre idée de l'utilité culinaire parce que leur forme ou leur emballage l'intriguait. Qui disait que ça ne serait par conséquent pas intéressant ? Il devait le vérifier ! Même chose quand il constatait une rafle sur un même produit. S'il n'en restait que quelques exemplaires, c'était donc qu'il FALLAIT le posséder avant les autres. Ce qui était intéressant pour les autres devait lui revenir. L'attente aux caisses automatiques était pas contre moins amusant quand tout le monde qu'il contournait avec indifférence dans les rayons se retrouvait immobilité et l'obligeait à stagner sur place.

« C'est loooooong », gémissait-il avec impatience. « Les gens sont si lents ! Je suis sûr qu'on irait tellement plus vite en plus. » Et là, illumination. Il avait abandonné toutes les courses à Leandra en affirmant qu'il allait sauver la situation. Il se dirigea vers une vieille personne un peu lente et, avec son plus beau sourire, déclara qu'il était venu l'aider à ranger ses courses. Il répéta le manège avec plusieurs personnes jusqu'à ce qu'arrive le tour de Leandra. Comme il était occupé, il semblait presque avoir oublié qu'il n'était pas venu pour jouer les hôtesses. Tout fièrement, il arriva vers Leandra quand celle-ci avait fait passer tous les produits devant le lecteur : « C'est trop marrant, j'ai gagné 5 dollars ! » Mais, une fois les sacs faits, le projet des cadeaux devenait assez compromis. Sans voiture, ils n'étaient plus très équipés pour faire des cadeaux à tout l'institut. Mais Casey, qui n'avait en réalité aucune liste pour les membres de l'institut, avait une idée qu'il estimait efficace : ils pouvaient acheter des choses assez petites, et des cartes de fête aussi, dans une boutique spécialement dédiée aux cadeaux. Si c'était pour faire des cadeaux, pourquoi s'embêter ? Il essaya rapidement d'expliquer ce point de vue à Leandra qui semblait plus préoccupée que lui de savoir les goûts des gens à qui ils devaient offrir quelque chose. « C'est l'intention qui compte, et puis si une personne veut vraiment quelque chose, elle se l'achète. Un cadeau n'a pas à être un truc utile, c'est pour montrer aux gens qu'on pense à eux même si on ne les connaît pas très bien. » Logique implacable pour acheter un tas de gadgets inutiles mais amusants et mignons avec dans l'idée d'organiser une grande loterie pour faire le compromis parfait car « Tout le monde aura l'impression d'avoir gagné quelque chose, et comme c'est assumé qu'on le fait au hasard, s'ils ne sont pas contents de leur lot, ils pourront l'échanger avec quelqu'un d'autre. » Et ainsi, tout le monde sera heureux. La vie n'était-elle pas simple et merveilleuse ?

Ils n'avaient pas dépensé des fortunes mais à force d'ajouter de petites choses, la note devenait assez salée. Casey n'avait néanmoins pas l'air très préoccupé de faire passer sans prévenir des tirelires en forme de vache et des poussins fluorescents dans le budget mensuel de l'institut. Il fallait bien faire quelque chose de correct pour les résidents à Noël ! Ils rentrèrent donc les bras chargés, prêts à préparer des crêpes et à organiser le repas du réveillon. Enfin… surtout Casey. Leandra finit par l'abandonner épuisée à des préparatifs sur lesquels il était encore le lendemain matin, avec de quoi nourrir une cantine complète, ou fournir le rayon pâtisserie d'un supermarché. Casey ne semblait décidément pas connaître le concept de « varier raisonnablement les choses ». Comme avec les petits sablés qui s'amassaient dans plusieurs saladiers, il avait préparé une quinzaine de tourtes en forme de sapin après la satisfaction d'avoir réussi la première, sans se poser spécialement la question de la nécessité d'en faire autant. Heureusement, il n'était pas seul et il était toujours temps de lui signaler qu'il devait vraiment penser à préparer d'autres plats. Ce serait en tout cas un bon réveillon, il en avait la totale conviction.