Jessica Jones - "What doesn't kill us makes us stranger"

Jessica Jones

"All I have is my professional reputation"

Assise à son bureau, Jessica contemplait le désordre qui régnait. La vitre de sa porte était encore brisée, des papiers et des débris de meubles jonchaient le sol, quelques gouttes de sang ponctuait la scène pour qu’il ne puisse y’avoir aucun doute sur ce qu’il s’était passé.
Il y’avait eu tant de morts, mais c’était terminé maintenant. Elle tourna la tête pour voir Malcolm griffonner sur un papier avant de raccrocher. Il souriait, elle savait pas comment il y arrivait, lui aussi il l’avait eu dans la tête et pourtant, il souriait. Rien ne semblait venir à bout de son positivisme, il voulait aider, il voulait l’aider elle. Il claqua la feuille qu’il venait de déchirer sur son bureau. « Les affaires reprennent Jess’ ! » La détective lui lança un regard blasé et chercha à tâtons la bouteille qui trainait toujours au pied de son bureau puis se traina jusqu’à son lit. Elle s’endormit avant même que sa tête ne touche l’oreiller.

-

Jessica avait tout pour devenir un être humain correct. Une belle maison en banlieue, des parents aimant et un petit frère un peu chiant mais adorable. Elle écoutait Nirvana à fond dans sa chambre et trouvait que le système scolaire n’était pas adapté, elle était en révolte contre tout et elle avait soif d’indépendance.
Elle avait treize ans quand l’accident est survenu. Elle se chamaillait avec son frère et son père avait perdu patience, il avait quitté les yeux de la route pour la réprimander. Il n’avait pas pu voir le camion.
Elle s’est réveillée des mois plus tard. Elle était en vie, mais ils étaient tous morts. Elle n’avait pas d’autres familles et fut confié (vendu) à une mère célibataire et à sa célèbre fille. Hannah Montana avant l’heure : Patsy Walker.
Elle n’avait rien en commun avec ses gens, la mère était détestable et elle comprit rapidement que son adoption tenait plus du coup médiatique que de la charité. Elle aurait voulu haïr cette gamine, Patsy, avec sa perruque et sa chanson stupide, mais c’était juste une gamine comme elle. Et Patsy n’avait pas eut la chance d’avoir des parents aimants. Sa mère était la pire des garces.
C’est à cette époque qu’elle découvrit ses pouvoirs, on parlait déjà des mutants et la justice league rayonnait à la télé. Elle songea qu’elle était une mutante et ne voulait surtout pas en parler, elle craignait que Mme Walker en fasse un nouveau coup médiatique. Jessica évitait la femme autant qu'elle le pouvait. mais quand elle démolit un lavabo en marbre d’un coup de poing rageur, elle dut s’expliquer.  Patsy ou Trish comme elle lui demanda de l’appeler, était entrée, des nouveaux bleus sur les bras. Celle-ci ne paniqua pas, au contraire même.
Trish devint comme une sœur pour elle, la popstar l’aida à sortir de sa carapace et Jess l’aida à sortir de son enfer de strass, de paillettes et de mère abusive.

-

Le costume c’était l’idée de Trish. Un costume blanc liseré de bleu, un bijou sur le côté, elle ressemblait à barbie princesse super héros. « t’es vraiment convaincu là ? » Le regard de Trish brillait, Jess ne voulait pas la décevoir, mais vraiment la combi supra moulante, elle n’était pas Miss Marvel, merci pour elle. « J’me sens pas à l’aise ». Trish réajusta un peu la ceinture d’où pendait cet improbable faux diamant rosé. « Pour cacher ton identité il faut s’éloigner le plus de ce que tu es. » Un rire sarcastique lui échappa, pas de doute, on était loin. « Et tu as pensé à un nom ? » Le sourire de Trish s’aggrandit tandis qu’elle désigna le diamant « Jewel. » Jessica écarquilla les yeux «  C’est pas un nom de super héroïne ça. C’est un nom de strip teaseuse bas de gamme. »

-

Elle marmonnait encore sur ce stupide choix de costume et sur ce stupide nom lorsqu’elle confia ses premiers criminels à la justice. C’est ce soir maudit qu’elle croisa sa route, il souriait, d’une nonchalance agaçante, elle était décidé à l’ignorer. « Quel est votre nom ? Oh pas votre stupide nom d’héroïne,  je veux votre vrai nom. » Elle ouvrit la bouche pour l’envoyer se faire foutre mais à la place elle dit : « Jessica. » Son sourire lui était insupportable. « Bien, viens avec moi Jessica. » Elle ne songea pas à protester, elle marchait vers lui sans même le réaliser. Lorsque sa main se posa sur sa hanche elle voulut hurler, mais aucun son, elle n'était plus maîtresse de son corps, elle ne pouvait que contempler, spectatrice terrifiée d'une situation qu'elle ne voulait pas comprendre. « Souris Jessica », alors ses lèvres s’étirèrent en un sourire sincère.

-

Retrouver le contrôle d’elle-même lui a pris de longs mois et la mort d’une innocente. Kilgrave était mort, passé sous un bus, un accident, un accident providentiel. Jessica était déboussolée, horrifiée, répugnée, en vrac. Elle se rendit chez la seule personne qui avait toujours compté pour elle, sa meilleure amie Trish. Elle parla, parla, parla, vomit tous ses longs mois pour tenter de s'en purger. Trish l'écouta, incrédule puis horrifiée, elle ne songea pas à remettre en doute la parole de Jessica, pas une seule seconde. Elle la convainquit de suivre une thérapie, puis la laissa à sa solitude bornée.
Jessica ouvrit alors son bureau de détective privée au cœur de Hell's Kitchen, dans un immeuble perdu au milieu des locataires délabrés. Elle s'y sentait à sa place. Elle avait choisit d'être détective parce que l’Amérique avait définitivement assez de super héros. Elle trouvait gerbatif l'instrumentalisation de leur héroïsme au service d'une idéologie réac et d'un puritanisme hypocrite et puis y'avait tellement de groupes, tout le monde se battait pour la légitimité et bien sur l'Asie n'avait pas tardé à suivre. Tout ça n'était qu'un foutu cirque. Elle préférait s'occuper de ses affaires, elles étaient sordides peut être, mais au moins elles restaient privées.
Tout tournait bien pour elle, sa routine sentait le whisky bon marché et le cynisme. Puis il y eut cette affaire, celle de Shlottman, une gamine disparue. Elle avait compris dès qu'elle avait vu les relevés de cartes bancaires, mais elle était en pleins déni, il était mort après tout. Elle avait approfondit l'enquête espérant découvrir que tout cela n'étaient que de malheureuses coïncidences mais elle ne tomba que sur l'évidence, c'était le principe du rasoir d'Ockham, l'hypothèse la plus évidente est souvent la bonne, même quand elle est impossible. Il n'était pas mort.

Ce connard était bien capable d'avoir dit à la mort que ce n'était pas son heure.

La mort l'avait rendu pire encore. Les semaines qui suivirent furent un enfer, les morts s'accumulaient et personne ne voulait comprendre, personne ne voulait considérer un instant que Kilgrave existait. Les gens admettaient la présence d'alien, de foutu dieux scandinaves, connaissaient l'existence des mutants mais continuait de considérer Kilgrave comme le croquemitaine. Aucun héro ne bougea, aucun héro n'était là quand des gens mourraient, c'était New York, ça arrivait tout le temps. De trop nombreuses vies pour réaliser qu'il valait mieux le tuer de ses mains que de continuer à voir les gens mourir, tant pis pour la justice. Kilgrave ne pouvait plus la contrôler, il l'avait trop fait, elle a finit par développer une immunité naturelle contre ses pouvoirs.

Ce soir là sur le port, le son de sa nuque qui se brisait entre ses doigts lui parut le plus heureux de tous.