Ne pas décevoir

Quand j’en viens à me demander si les manchots empereurs sont plus manchots qu’empereurs ou empereurs que manchots, la seule suite logique est de savoir comment j’en suis arrivée là. Je suis jetée mais pas à ce point, même si j’admets que ça peut être discutable, et mise donc sur le manque de sommeil. Si j’ai réussi à m’habituer au décalage horaire avant le tournoi ATB, heureusement, passer celui-ci m’a renforcée encore plus dans ma volonté d’entrainement : non seulement j’ai pu observer bon nombre de styles dont je saurais apprendre et constater la différence de niveau avec la plupart des participants mais j’ai aussi pris conscience que je ne suis pas aussi mauvaise que je croyais. Et ça c’est plutôt encourageant ; à la fois dans le fait que je me dis que j’ai raison, à tord ou à raison, et dans celui que j’avance plus que je ne le supposais. Je continue donc sur ma lancée, regrettant un peu de ne pas avoir accès aux salles d’entrainement spécialisées des Hellions mais comprenant parfaitement ce fait ; j’ai pas accès à la base de l’Alliance alors celle d’un groupe que je ne fais que squatter… comme ça ne m’empêche pas de côtoyer des Hellions, de recevoir des conseils et de progresser, ça me va. Je suis au gymnase dès les 7h pour m’exercer et tenir compagnie à Maissa quand elle s’y trouve, je fais une pause à midi puis entreprends les deux dernières heures de Projet Personnel Encadré durant la sieste quand je ne suis pas occupée à faire celle-ci ou une autre activité à la place, puis je reprends l’entrainement à 15h jusqu’aux 18, j’entretiens le social jusqu’aux 20 et suis dans le lit aux 21. J’ai gagné 2h sur mes débuts et perdu aussi 2h de PPE… mais ça faut pas le dire. Et aujourd’hui, je fais péter celui-ci pour une nouvelle rencontre.

Comme dit, je continue de squatter des Hellions autant que je le peux et ça me permets d’être au courant de pas mal de choses, en plus des perceptions hasardeuses de conversation qui ne me concernent pas mais m’ont toujours réussie que ce soit à l’Académie ou dans les Manoirs Européens ; I’m the Lucky One. Du coup, je sais qu’Emma a recruté récemment un mutant qui a passé de sales moments – squatteur, vagabond et clochard de ce que j’en sais, ce qui fait un tiers de trucs que je pratique et deux tiers de trucs que j’apprécie – et je me suis rapidement intéressée à pouvoir faire plus que simplement squatter et m’entrainer à l’Académie, même si ledit plus est sensément le PPE. On m’a averti que Nils, puisqu’il s’appelle comme ça, évitait le contact humain de peur d’accident ou de retomber sur des héros qui l’ont pris pour un criminel et avait donc pour principale compagnie des chats de gouttières lorsqu’il était sdf ; s’il n’en fallait pas plus que le troisième point pour me convaincre que je pouvais faire quelque chose, j’ai quand même demandée à Emma ce qu’elle en pensait. Elle a eu de ces mots, comme d’hab’ : considérant qu’il ne faut pas stigmatiser ou renforcer Nils dans la piètre image qu’il a de lui-même, il vaut donc mieux qu’il rencontre des gens ouverts d’esprit pour lui montrer qu’il est assez normal au final. J’ai peut-être tord de me considérer comme incluse dans les gens ouverts d’esprit mais pour montrer qu’il n’y a pas vraiment de normalité j’en tien une bonne couche donc je me suis dirigée vers la sienne, de couche.

On m’a dit qu’il créchait dans les logements du personnel pour l’heure, afin d’être assez tranquille et de se familiariser avec son environnement pour procéder à une réinsertion par étape. On m’a dit le numéro de chambre mais, n’étant pas certaine d’avoir le droit de me balader dans ces lieux, je me suis concentrée à savoir la fenêtre correspondant. Me restait plus qu’à l’atteindre et, encore une fois, les bâtiments de l’Académie sont vraiment pas fait pour ça mais son décor arboré compense un peu. Après déjà cinq bonnes heures d’entrainement, l’odeur qui va avec et le déjeuner, je m’en retrouve donc de nouveau à grimper là où je ne suis pas sensée être pour aller voir quelqu’un dont ma sociabilité peut être utile. J’ai pas d’objectif particulier, à part aider, et mise sur le Système D et l’improvisation pour faire quelque chose ; ça me réussi bien généralement, tellement bien parfois que je me fous dans la merde avec. Mais soyons positifs.

Le bout de mes doigts touche l’écorce de l’arbre alors que mes mitaines s’y plaquent, trouvant des prises parmi les branches basses, puis l’une des bottes montantes en fait de même pour que je dispose d’un appui à usage unique le temps de me lancer. Le pantalon de coton suit mes mouvements tandis que la veste en vrai faux-cuir s’heurte régulièrement à l’arbre du fait qu’elle soit ouverte, dévoilant un t-shirt léger au passage. Grimper jusqu’au niveau de la fenêtre n’est pas le plus difficile, ce n’est même pas difficile en soit, mais atteindre celle-ci est plus compliqué. Du coup, je m’assois dos au tronc et, testant la solidité de la branche en appuyant dessus d’un pied alors que l’autre pendouille, entreprends de fouiller les poches de mon blouson. Le bordel habituel s’y trouve, le cran d’arrêt côtoyant notamment le téléphone à coque renforcée et la balle rebondissante ; c’est cette dernière que je sors, refermant la fermeture éclair de la poche par la suite.

Parfaitement à mon aise, j’observe un peu l’environnement et tire dans la vitre de manière à atteindre sur le carreau puis le rebord au-dessous celui-ci, faisant ainsi un rebond en cloche pour récupérer ma balle sans avoir à redescendre de l’arbre. C’est assez improbable comme entrée mais je suis moi et ça marquera une distance de sécurité que je ne franchirais pas sans accord. Je ne doute pas que Nils finisse par aller voir à sa fenêtre, ne serait-ce que pour comprendre ce qui la heurte toutes les demi-douzaines de secondes environ, et en profiterait pour balancer ma balle dans sa piaule « sans le faire exprès » ; ce n’est pas la première fois que j’use d’une rencontre accidentelle pour nouer le contact, ça évite généralement le malaise de la préméditation. Et puis ça offre l’occasion à l’autre de renvoyer la balle, dans tous les sens du terme, ou de clore rapidement le truc sans être trop gênant. Le plus important étant le « trop » car, de toute façon, je prendrais un air coupable à ma « connerie » d’envoyer ma balle lorsque mon interlocuteur me fera face.


Je ne mens pas : les excuses sont réels, même si elles sont un moyen, et je préférerais vraiment n’avoir rien péter à balancer ma balle comme je le fais. Heureusement pour moi, je ne suis pas manchot. Ni empereur. Ce qui me renvoie à la question de si les manchots empereurs sont plus manchots qu’empereurs ou empereurs que manchots…

Le besoin de trouver une pièce le plus éloignée possible du plus grand nombre de personnes au sein de l’Académie est chez moi quelque chose de naturel, une façon de me rassurer en me disant qu’en cas d’accident mes nouveaux confrères ne seront pas à coté et auront le temps de s’éloigner le plus possible de moi. Cette peur de blesser, de faire du mal est ancré en mon âme depuis mon enfance, depuis que Mère ne cessait de me dire que j’étais un enfant maudit qui n’apporterait que la damnation et la destruction. Je dois dire qu’elle n’avait pas totalement tord, la vie m’avait plutôt montré que ses paroles étaient juste, que ce soit à cause des Magistrates de Genosha qui ont disparu par ma faute, l’accident de Berlin, ou encore la jeune japonaise qui avait tenté de me libérer de ma prison chez Cadmus… Toutes des personnes mortes uniquement parce que j’existe, des personnes qui seraient peut-être occupées à vivre une belle vie de famille en ce jour si je n’avais pas existé… Combien d’orphelins ai-je fait sans le désirer, de veuve, de parents malheureux ? Pendant douze ans je n’avais que cela dans mes pensées, calculer le nombre de personnes que j’ai pu blesser, me demander à quel point Mère devait être déçue où quel soit, mais aussi à quel point tout ce qu’elle me disait devenait réalité. Et si elle avait raison aussi sur mon géniteur, si j’étais vraiment l’enfant du diable et du péché ?

Mais les premiers jours ici changent déjà beaucoup de choses dans ma vie, Emma Frost m’a offert quelque chose d’extraordinaire, quelque chose que je ne penserais jamais posséder. Le droit de vivre, de pouvoir lire, écouter et ne pas ressentir la peur vivre partout autour de moi. Profitant d’être seul dans cette pièce des plus sobre, ne possédant aucun objet m’appartenant vu que je n’ai aucune possession, je suis simplement assis à terre, plusieurs livres ouverts sur le sol, me plongeant dans la lecture pour tenter d’apprendre un peu plus sur ce monde et sur tout ce que j’ai raté. Actuellement je suis surtout sur un livre parlant des nouvelles technologies, mais à coté j’ai un guide pour les nuls, ainsi qu’un dictionnaire général, un des noms propres et un autre spécialisé justement sur les termes techniques, ainsi à chaque fois que je ne comprends pas le sens d’une phrase de mon livre, je n’ai qu’à tendre mon cou et ma main vers un autre des livres pour chercher les mots qui me causent difficultés. Je dois dire que c’est difficile de comprendre quand cela parle de smartphone qui se connectent par 4G ou Wifi, qui permettent de voir la télévision ou écouter la musique… Pour moi, tout cela est presque surnaturel et cela me change de la cabane, des cuves ou encore des égouts. Vous allez peut-être me trouver stupide, mais il m’a déjà fallu un long moment pour comprendre qu’un email n’était pas une lettre qu’il faut poster en essayant de la faire rentrer dans un ordinateur. J’ai aussi des piles de journaux pour tenter de lire un maximum sur les évènements de ce monde, ce qui me change beaucoup des nouvelles données par J. Jonah Jameson, me rendant compte que finalement Spiderman n’est pas la menace intergalactique dénoncée par ce dernier.

Enfin, une chose qui m’a choqué le plus, c’est de pouvoir entendre certaines voix d’émissions télévisuelles que je ne voyais qu’au travers d’une baie vitrée d’un magasin, et dans mon imagination la voix était tout autre donc l’effet de surprise fut grand, mais intéressant. Encore plus de voir que je m’étais souvent trompé dans le contexte de ce qui était diffusé. J’avais par exemple appris que la petite dame dans le coin qui faisait de drôles de signes n’était pas une clown mais utilisait un langage secret que seuls les sourds connaissaient. Comme vous le constatez, je n’ai pas encore eu beaucoup de contact avec ceux se trouvant entre ces murs, encore trop craintif pour oser affronter les regards, les remarques ou simplement pour oser me présenter. A chaque fois que je me dirige vers la porte j’ai une sensation de vertige, la panique de tomber sur quelqu’un, de le bousculer par accident… Du coup quand j’ai besoin de quelque chose, je sors plus de nuit, quand tous dorment, allant ranger un livre pour en prendre un autre, ou regarder les étoiles dans le ciel. De plus la nuit me cache avec ma teinte de peau particulière. Il m’arrive d’ailleurs en regardant les étoiles de me poser des questions sur les rares vies que j’ai croisé, savoir si Majcomb est toujours vivante et a su rejoindre Charles Xavier, ou si le Rat mutant a réussi à retrouver ses quatre fils perdus.

Soudainement, alors que je lis, que je pense, que j’étudie, un bruit résonne et attire mon attention, mon visage se redressant alors que je me demande quoi. Cela revient et je regarde partout dans la pièce, ma tête faisant un 360 degré sans comprendre la source de ce son. Non… Par pitié… Ne me dites pas que j’ai cassé quelque chose sans le vouloir ? Encore une fois, ce son se répète et je me redresse totalement, me relevant en tentant d’au moins pouvoir le localiser, retrouver la source de cette interférence pour venir la récupérer, la réparer ou l’apporter à Madame Emma Frost en m’excusant des dommages. Quand je comprends que cela vient de la fenêtre, je ressens un malaise… Et si c’était un oiseau qui s’était cogné plusieurs fois ? Voir blessé parce que je ne l’ai pas remarqué assez vite ? Directement j’étends mes deux bras vers celle-ci pour l’ouvrir, mon cou faisant de même pour s’approcher quand soudainement une balle rentre, rebondissant dans la pièce et je tente de suivre sa trajectoire. Quel idiot… « C’est terrible… » Je viens de dévier la belle de quelqu’un de sa trajectoire… La personne pourrait croire que j’ai tenté de voler sa propriété en ouvrant ma fenêtre, ou pire… Que cela m’avait agacé… Cela serait d’une telle impolitesse. J’ai honte et n’ose pas réellement approcher de la fenêtre sur le coup, pas avant d’avoir retrouvé la belle pour la rendre à son maitre.

Une fois celle-ci retrouvée, je la capture entre mes deux doigts, ayant entendu quelqu’un s’exprimer dehors. Je n’ai pas tout compris car j’ai cru un instant que cette personne s’excusait de mon erreur, ce qui n’est point probable, mais décidé de ne pas attendre pour lui rendre, éviter ainsi de rendre ma faute plus grande, je me rapproche de la fenêtre pour tenter d’apercevoir la dite personne, celle-ci se trouvant dans un arbre, ce qui me permettra d’éviter de devoir sortir. Alors lentement je tends mes mains, mes bras, ceux-ci se formant comme des bandelettes en ressort pour aller jusqu’à la jeune femme lui tendre sa balle. « Veu.. Veuillez me pardonner d’avoir dévié la course de votre balle, ce n’était pas intentionnel… » Ma voix est hésitante, un peu basse et démontrant à la fois la timidité mais aussi le coté craintif face à ce nouvel incident. Comme quoi, dès que je fais quelque chose cela crée un désastre. « Cela n’arrivera plus… » Oui il faut mieux que je reste juste enfermé, et fenêtre comprise.

Un monstre effrayé.

Je suis au courant du fait que Nils ait une apparence particulière mais ça ne m’empêche pas de prendre un coup de jus à le voir agir à l’intérieur ; il est bleu, ça j’ai aucun souci avec, mais le plus surprenant reste sa capacité à… je sais même pas comment le dire. Débander ? Débandeletter ? Bref, à ce que ses membres s’allongent en bandelettes et ça, franchement, ça en tient une couche (de bandelette) ! Je regarde ses bras venir vers moi pour rapporter ma balle avec un certain amusement mais le visage puis les excuses du mutants me foutent un coup dans les pattes, heureusement je suis assise.


Ses hésitations sont claires, soulignées de bafouilles, et sa crainte va le pousser à se refermer comme une huitre… ou un truc avec des bandelettes mais j’ai pas ça en stock sur le coup. Ramenant les deux pieds sur la branche, je m’accroupie en penchant la tête sur le côté, ne récupérant pas tout de suite ma balle alors qu’il me la tend tant je suis occupée à examiner son membre du regard. Ma conclusion s’impose avec la même espièglerie.


J’attrape ma balle pour la lever plus haut, me permettant de regarder sous un autre angle le bras-bandelette suscité ; okay, c’est un peu flippant et assez dérangeant comme corps mais aussi complètement fun. Et, bien consciente que je n’ai pas grand-chose à craindre, je ne me méfie pas vraiment et me concentre plus sur l’aspect de nouveauté fascinante.


Alors celle-là… je suis douée pour mettre les pieds dans le plat et c’est vraiment pas le moment de le faire vue la tête qu’il tire déjà ; et je parle pas du bleu ou des yeux surnaturels, je parle bien de l’expression parfaitement humaine qui s’y trouve. Les blagues sur le physique, c’est peut-être pas une bonne idée avec quelqu’un qui a une apparence monstrueuse ; s’il le vit mal, ça ne va pas l’aider. Du coup, faut que je retombe sur mes pattes mais je suis un chat, ça va le faire.


Je lui souris, gardant ma propriété en main alors que je suis en tripédie à la base de la branche de l’arbre, puis considère un instant ma balle avant de changer mon sourire pour quelque chose de plus amusé. D’un geste ample, je relance la balle à Nils sans perdre mon attitude.


Il a intérêt de bien viser sinon je suis partie pour crapahuter à la recherche de ma balle mais c’est un risque à prendre. Me relevant sur mes deux pieds en gardant l’équilibre, je place mes mains comme une gardienne de but afin d’être prête à recevoir au mieux mon projectile en me disant que s’il a la moindre super-force, je me suis toute seule foutue dans la merde. D’un autre côté, son corps ne me semble pas réellement doté de super-force. Il ne me semble pas doté de grand-chose d’ailleurs. Okay, il est bizarre mais l’originalité est quelque chose que j’apprécie pas mal et je suis bizarre aussi, ça fait un partout la balle au centre. Enfin… on évitera de la mettre vraiment au centre parce qu’il est vide et que je devrais descendre de mon perchoir à défaut d’être moins perchée. Ou alors je propose de la recherche de balle en équipe, mais c’est peut-être prématuré.


Je sais parfaitement comment il s’appelle mais l’idée reste de conduire à ce qu’il me renvoie la balle, toujours. Lorsque l’échange se fera de lui-même, si on y arrive, peut-être qu’associer un geste ne sera pas vraiment utile mais pour l’instant c’est très indicateur de sa manière de ressentir la situation : il a ramenée doucement la première fois, rien que me renvoyer l’objet sera une progression et c’est ce que je l’encourage à faire. J’ai le sang bleu, pas de la même manière que Nils a les bandelettes bleues cela dit, mais j’ai aussi une mère et elle est psy. Ça aide à comprendre les choses, à défaut de ne pas foutre les pieds dans le plat. Et là si je fous les pieds dans le plat, je me pète la gueule et risque de faire le plat tout court ; mais osef, je tente quand même. I’m the Lucky One.

Pourquoi cette sorte de surprise à mes excuses ? Peut-être que l’intonation de ma voix manquait de conviction à cause de mes craintes ou qu’elle pense que je me moque d’elle, ce qui serait une terrible interprétation. Mais c’est de ma faute, je n’ai pas encore vraiment de capacités à m’exprimer correctement ou connaître les bons tons pour échanger verbalement. Il faut dire que les personnes avec qui j’ai le plus conversé dans ma vie, ce sont ma mère qui ne cessait de me traiter de malédiction et le Scientifique qui m’étudiait pour savoir comment reproduire mes dons ainsi que comment faire pour me tuer. Cela laisse deviner le niveau de compétences sociales que j’ai dans mon curriculum vitae. Je suis incapable de dire mon plat favoris, de parler de ma couleur favorite ou de ce qui me passionne, par contre je sais dire les points qui effrayent les gens chez moi, je sais dire les armes qui ne me tuent pas, comme les choses qui savent me faire souffrir. Quand elle reprend, ma tête s’incline de coté, tentant de comprendre ce qu’elle sous entend par travail d’équipe, ainsi que par jeu. Jouer à se lancer et récupérer une balle ? J’ai vu cela sur un des écrans, des personnes en short et t-shirt occupées à faire rebondir une balle, la passer à ceux de leur couleur alors que l’autre couleur devait les bloquer et finalement lancer les balles dans une poubelle sans fond accrochée à un panneau en hauteur. Mais j’avais l’impression que la balle était plus grande que celle-ci, de plus nous ne sommes que deux et sans la corbeille. Je vois mal comment du coup reproduire un tel jeu. Mais c’est vrai que mon corps serait un avantage pour mettre la balle en hauteur, mais ce serait vu comme une tricherie non ? Je serais surement rejeté pour cela… Donc cela revient encore au même problème, ce que je suis m’empêche de partager des activités simples.

Dès qu’elle récupère sa balle, mon bras se reforme normalement, alors que je suis resté silencieux, ne sachant pas réellement ce qu’il faut répondre dans ce genre de cas. C’est la que j’entends le mot Psionique… Baissant directement ma tête, ne voulant pas parler de cela surtout que ce ne sont que mes actes qui ont dévié la balle de sa trajectoire, venant retirer malencontreusement l’obstacle sur laquelle elle rebondissait. Mais parler de mes facultés, ce serait remettre en avant l’horreur que je suis, cette créature de cauchemar qui suscite la peur autour de lui et s’en nourrit. A chaque fois qu’un jeune de l’Académie fait une blague à un autre, l’effrayant ou le surprenant, je le ressens, je ressens cette peur éphémère, cela me frappe directement comme une chose attirante alors que c’est mal… Je me sens un peu mal, honteux, car ne pas répondre serait mentir aussi, cacher ce que je suis et un des savants me disait toujours que cacher c’est déjà savoir que c’est mal. Heureusement, alors que je cogite comme un fou pour me dépêtrer de tout cela, c’est elle qui me demande d’oublier la question, me faisant libérer un soupire de soulagement. Comportement totalement humain et inutile pour un être comme moi, mais c’est comme un réflexe… Surement la mémoire génétique, comme il m’arrive de temps en temps d’avoir la sensation d’étouffer alors que je n’ai même pas de poumons.

« Il… Il n’y a pas de.. de mal. J’attire beau…coup la curiosité. »

Il faut l’admettre, les hommes, en général, aiment m’étudier, savoir ce que je suis ou comprendre comment je fonctionne. Et a surprise elle me lance cette balle, me faisant un peu sursauter avant que je ne la rattrape des deux mains, dans un geste presque défensif, mes doigts se refermant sur cette petite chose bondissante sans comprendre au début ce geste avant qu’elle ne me parle de la relancer… C’est cela dont elle parlait de jouer ? Lancer la balle et la rattraper ? Ce n’est pas dangereux ? Cela pourrait passer à travers une fenêtre ou elle pourrait tomber de son arbre et se casser quelque chose par ma faute si je la relance mal… Mon regard passe sur elle, passe sur l’arbre et finalement le sol, me mettant un peu mal à l’aise mais surtout beaucoup de pression. Mais ne pas la relancer serait surement très impoli ou une forme de vol vu que ce serait le refus de rendre l’objet à son propriétaire. C’est encore un dilemme sur mon comportement envers autrui, et j’espère que ce n’est pas une métaphore car je ne suis pas doué pour cela, ni pour le second degré, ni simplement les sous entendus. Il me faudra réellement penser à me trouver un livre qui parle du comportement social à adopter au sein d’un lieu de vie commun... Parce que je me vois très mal expliquer que je n’ai vécu un peu moins de cinq années en liberté, et encore moins demander de l’aide pour apprendre juste à vivre.

Bref, trop d’interrogation, alors qu’elle reparle, au début je prends cela comme un rappel à l’ordre pour me faire sortir de mes pensées, genre me prévenir qu’elle attend et par réflexe je lance la balle, tentant de la viser avec une force tout a fait humaine, mais en fermant les yeux juste après avoir lâché la balle dans ce lancé… Un réflexe craintif de mal viser, imaginant déjà les multiples catastrophes possibles. J’ai appris cela oui, toute action engendre une réaction, chaque acte à des conséquences et vu que juste naitre a créé beaucoup de conséquences en retour, lancer une balle pourrait être presque apocalyptique. Je supplie intérieurement qu’elle ne chute pas, que j’ai visé plus au moins juste, qu’il n’y a pas d’accident car je n’ai pas envie de devoir partir d’ici si vite. Je réponds du coup à sa question d’une voix rapide, démontrant une forme de stress et sans ouvrir mes yeux.

« Nils… Nils Styger… de Genosha…»

Je préfère m’arrêter la et éviter le surnom que m’ont donné les êtres de Genosha, un surnom peu flatteur et qui ne fait que mettre encore en avant le coté monstrueux. Abyss… Et croyez bien que ce nom n’est pas lié à mon apparence mais à ce qui se cache en moi, en mon poitrail. Lucky ? Chance ? Au moins c’est un beau nom, maintenant j’espère qu’elle a aussi la chance de son coté, ce serait une belle destinée et au moins cela compenserait la poisse que je peux attirer à ceux autour de moi. D’ailleurs à cette pensée j’ouvre les yeux pour voir les résultats de ce lancé et de la possible catastrophe engendrée.

« Veuillez me pardonner si j'ai mal lancé ou si j'ai fais du mal…»

Un monstre effrayé.

S’il est discutable que l’apparence de Nils puisse être qualifiée d’humaine, son attitude ne l’est pas. J’ignore comment fonctionne son corps mais il possède toujours les réflexes naturels aux humains ; même si celui qu’il démontre n’est pas propre à l’homme mais à toute créature dotée d’un cerveau reptilien. Enfin, la théorie du cerveau triunique a été abandonnée mais le nouveau nom de cette partie de notre caboche m’échappe parce qu’il est trop compliqué. D’un autre côté, ce n’est pas la seule partie de ma caboche à être trop compliquée. Et pour en revenir à Nils, qui semble être bien plus simple, il a le réflexe reptilien que de pencher la tête sur le côté à son incompréhension ; cette action destine à changer les angles de vue et de perception auditive afin d’avoir un nouveau regard sur la situation. Je l’ai eu précédemment et suis assez contente de trouver des familiarités de comportements malgré la différence esthétique.

Je fous en effet les pieds dans le plat avec l’histoire des pouvoirs, la communication non-verbale de Nils m’en assurant, mais ai l’acrobatie de me rattraper avant de m’enfoncer ; une progression mine de rien, arrivée en temps utile par le plus grand des mystérieux hasards que je nommerai ma Chance. Et le soupire de soulagement est encore quelque chose de familier, tout comme le manque de confiance en soit si j’y réfléchi bien. Nils explique qu’il n’y a pas de mal, merci l’esquive, et qu’il attire beaucoup la curiosité, je comprends parfaitement. Vaut mieux la curiosité que la crainte cela dit et, même si je suis un peu perturbée par son apparence en plus d’être perturbée tout court, je pense que je me débrouille très bien à me focaliser sur ce que je veux. Emotionnellement parlant. Mentalement, c’est un désastre.

Le rattrapage de balle n’en est pas loin non plus, du désastre, même si je ne saurais pas dire si Nils se crispe ou non. Mon action comme mon explication le laissent pensif mais c’est le genre de truc auquel je suis habituée et j’en continue donc sur ma lancée, ayant déjà évité un obstacle de maladresse et m’apprêtant à faire preuve d’adresse pour rattraper en terrain limité. M’enfin je reste assez sure de moi, même s’il me faut m’auto-encourager pour ça. Nils est toujours mon rassuré que moi, regardant beaucoup son environnement, et les secondes n’arrangent rien. Les présentations ont une utilité bonus du fait, ne pas le laisser se perdre dans ses pensées probablement pessimistes et craintives, et déclenchent l’immédiat lancé de balle dans ma direction.

Ma main droite part devant pour se saisir du projectile tandis que ma main gauche fait le chemin inverse pour conserver l’équilibre, rapprochant la paume de l’arbre pour y fournir un nouvel appui au besoin. I’m the Lucky One : miser sur la chance pour faire une action qui m’est positive est un bon moyen de la réussir et j’écoute la présentation expéditive de Nils en tenant sur mes pattes et sur la branche. Genosha, c’est l’île à côté de Madagascar qui a un siècle de retard, traitant les mutants en mixant goulag et camps de concentration si ma mémoire est bonne. Okay, celle-là je m’y attendais pas ; même si je ne m’attendais pas à grand-chose, à la réflexion.


M’adossant au tronc d’arbre en ramenant mon bras droit contre mon corps et en avançant mon bras gauche pour lui montrer la balle, je cherche à le rassurer par mon attitude détendue et mon sourire amusé quand au fait qu’il ait mal lancé ou m’ait fait du mal.


Je pourrais dire beaucoup en fait, même si je suis généralement la première à jouer contre mon camp dans le domaine et que je suis très douée pour le faire accidentellement aussi, mais je pourrais beaucoup en dire de toute façon. Restons utile dans la conversation.


Je ne ferais pas d’appel à témoin pour ça, y’en aurait encore plus que pour le procès de la Cour des Miracles et ce serait tout aussi drôle ; une ironie tellement mordante qu’elle me fait serrer les dents. Mais je passe vite à autre chose, balançant mon bras directeur de bas en haut, le laissant aller jusqu’à la perpendiculaire de mon corps à peu prêt.


Mon bras s’en arrive à l’horizontal à nouveau et ma main lâche la balle, la faisant monter puis descendre dans une parabole à destination d Nils.


Le renard est un animal à la mauvaise réputation injustifiée et dont la sociabilité varie fonction de son environnement, pouvant passer de solitaire s’il a peut de ressources alimentaires à des communautés d’une dizaine d’individus si elles sont abondantes. Nils a une mauvaise réputation qui lui a causé un mauvais environnement et l’a poussé à être solitaire et craintif mais, avec un meilleur environnement, il devrait devenir plus sociable vu que son inquiétude à mal faire préfigure une certaine gentillesse. Tout ne s’arrangera pas aujourd’hui mais on établit le contact pour l’instant ; je sais pas si ça a été prouvé que la thérapie avec un animal de compagnie marchait ou non mais j’essais quoi qu’il arrive. En l’occurrence, c’est moi l’animal là.


Je me décolle de nouveau du tronc pour me préparer à rattraper à mon tour, n’en perdant pas un petit sourire amusé et confiant.

Nilsty ? J’ai du mal m’exprimer ou parlé trop bas et elle n’a pas dû entendre correctement mon nom. Même me présenter semble devenir une tâche complexe et qui ne se fait pas sans obstacle. Bon au moins le bon coté c’est qu’elle ne pose pas de questions sur Genosha car franchement je ne vois pas comment je pourrais parler de ma terre d’origine sans que cela soit glauque ou effrayant. C’était un lieu avec une technologie très avancée mais une mentalité très retardée par rapport aux autres civilisations que j’ai pu voir… Ce qui se résume par Berlin, New York, la Louisiane et ici. Il y a peut-être encore pire ailleurs. Mais Genosha est un lieu qui ne tourne qu’autour du High Tech, faisant croire au monde que c’est une terre de liberté et paradisiaque, offrant une sécurité optimale avec les forces de l’ordre dans des armures de combats. Mais les gens ne savent pas que des mutants travaillent dans les profondeurs, dans les usines ou les tâches dangereuses, lobotomisées par des équipements technologiques conçus pour les soumettre. Que chaque enfant subit un test à treize ans pour vérifier si ce dernier est un enfant libre ou un futur esclave. C’est surement pour cela que je crains l’évolution de cette nation quand j’entends parler de recensement, l’étape avant les camps de travaux et ceux d’exterminations car oui cela existe aussi à Genosha, ces lieux où ils tuent les mutants trop dangereux ou incontrôlables. Mais oublions tout cela et reprenons la conversation avec Lucky.  

« Je suis navré, je me suis mal exprimé… » Surement parce que je bafouille de trop, oui cela doit être cela elle a entendu Nils et Sty de Styger, du coup elle a dû penser que ce n’était qu’un prénom. « Je… me prénomme Nils. Styger est mon nom de fa… famille. » Avec une petite hésitation sur le mot famille, ce qui est normal vu que je n’en ai plus aucune, que ma mère n’était finalement que celle qui m’a donné vie et enfermé, que mon géniteur est un total inconnu que Mère nomme le diable… Rien de bien rose. Et je me sens en prime honteux de reprendre Lucky, craintif qu’elle prenne mal cette correction sans comprendre que cela pouvait être simplement un surnom. D’ailleurs je joue un peu nerveusement avec mes doigts, les entremêlant presque à en faire des nœuds, chose qui serait possible avec mon corps, en gardant la tête un peu baissée. Mais au moins elle n’est pas tombée, elle a su rattraper la balle sans rien se casser, ni rien casser autour d’elle. C’est déjà bien non ? Une action sans catastrophe c’est limite exceptionnel. Bien entendu qu’il faut que je m’améliore, c’est une évidence et je suis persuadé qu’elle sa réaction est faite en partie d’un pieu mensonge pour tenter de me faire plaisir, que mon lancé a été à la limite de l’horrible. Ce qui me surprend c’est surtout qu’elle me demande de prévenir si elle me fait du mal… C’est bien la première fois que j’entends une telle remarque alors que d’habitude les êtres cherchent plutôt que faire pour m’en faire.

Ma première réaction est du coup un signe négatif de la tête, comme pour dire de ne point s’en faire, cela suivit de quelques mots que je libère en me concentrant pour éviter d’en dire trop, éviter surtout de rentrer sur le terrain glissant du non humain. « Je n’ai jamais… été blessé… physiquement. » Bon, la douleur je la connais par électrochoc par exemple, ce qui n’est pas un risque avec une balle, mais je ne sais pas être tordu, tranché, coupé, perforé, … Ce qui limite grandement les risques de me retrouver blessé. Je supporte le froid comme les flammes ainsi que l’acide, les poisons, les explosions… Je crois qu’elle n’a vraiment pas à s’en faire sur le coup. Je me suis déjà posé des questions sur les raisons de mon état, pourquoi je peux ressentir le contact mais que rien ne me blesse… Le fait que je sois indestructible est une chose que je peux à la limite concevoir mais pour les sensations c’est presque de l’algoataraxie, mot que j’ai appris en recherchant dans des livres ce que je suis, mais ce n’est pas possible vu que l’électricité arrive à me faire mal. Peut-être qu’il n’existe pas d’explications génétiques ou scientifiques, peut-être est-ce magique ou lié à ce portail qui se trouve en moi. Après tout, je vis sans cœur, je réfléchis sans cerveau, rechercher une explication rationnelle est complexe mais cela me permettrait pourtant de peut-être mieux m’accepter. En faite, je me rends compte qu’au début elle pouvait me trouver bizarre à cause de ce qu’elle appelle les brasdelettes, mais qu’à la fin elle risque de me trouver totalement anormal.

Mon regard ne revient sur elle que quand elle me parle de… cloche ? Que sous entend elle par le faire en cloche ? Les yeux grands ouverts, la fixant avec une incompréhension complète, je cherche à imaginer la place de la cloche dans cette histoire. De ce que je sais d’ailleurs, la seule balle liée à une cloche est lourde et attachée à un bâton qui frappe de droite à gauche pour faire résonner le son du dit objet. J’analyse chacun de ses mouvements, presque une machine qui voudrait enregistrer ce qu’elle fait pour tenter ensuite de le reproduire. Enfin, faut d’abord que je la rattrape car à regarder ses mouvements et la trajectoire de la balle en demi dôme qui me fait enfin comprendre le terme de cloche, j’en oubli de tenter de la rattraper, me sentant d’un coup obligé d’étendre à nouveau les bras vers le bas pour rattraper cette balle avant sa chute à terre. Bon au début tout cela est assez rassurant finalement, jusqu’à ce qu’elle parle des risques comme de tomber en voulant descendre de l’arbre, m’imaginant la scène avec Lucky à terre, le genou en équerre, ne pouvant plus faire de folies comme de grimper à un arbre ou se retrouvant condamnée à une attelle par ma faute. Je souhaite donc lui demander si il ne serait pas plus raisonnable de se lancer la balle en étant tous les deux à terre, mais elle ne me donne pas le temps, j’entrouvre juste la bouche que ses paroles continues, passant d’accident à animaux. « Renard ? » J’essaye réellement de trouver le rapport mais cela m’est complexe, connaissant l’animal en question par mes lectures mais ne comprenant pas les métaphores ou expressions qui sont liées à cette créature au pelage de feu. « Pourquoi un renard ? » Bon, ce n’est pas une critique sur le choix du mammifère, au contraire je préfère être comparé à cela qu’un diable ou un monstre tout droit sorti des pires cauchemars.

Tout en parlant, enfin soyons honnête, elle parle et je ne fais que réagir, n’ayant pas encore cette capacité de parler si ouvertement avec quelqu’un que je viens seulement de rencontrer. Je n’imagine même pas être capable un jour de pouvoir avoir ses facilités de communication. Bref, tout en parlant donc, je tente de suivre ses consignes, mettant un peu de souplesse dans mon mouvement, étendant un peu le bras pour diminuer la distance entre elle et moi pour ainsi plus de chance de viser juste. Mais à vouloir ne pas y mettre trop de force, j’y mets vraiment pas assez voyant juste cette balle faire une petite cloche qui me fait faire un hoquet de surprise… de mauvaise surprise, ayant peur qu’elle tombe en voulant la rattraper ou en voulant descendre de l’arbre la prendre si elle la rattrape pas… Ce qui sur le coup me fait repenser à sa remarque de se casser la gueule, et à mon image de jambe brisée.

Du coup sans prévenir, je plonge de ma fenêtre vers le sol, sans attendre de voir si elle récupère ou non la balle, prenant cette forme de « drap » tendu, toutes les bandelettes de mon corps s’entendant au maximum avec quatre coin venant s’agripper aux arbres et au mur pour faire réellement comme une bâche qui pourra la rattraper elle, ou la balle, en cas de chute. Les deux seules parties de mon corps qui ne se sont pas étendues sont ma tête, se trouvant à une extrémité et une boule fermée un peu en dessous de ma tête pour garder le portail toujours clos.

image de la forme:

Un monstre effrayé.

Nils c’est mal exprimé et j’ai tout compris, différence de logique surement, mais que lui n’a pas comprise mon action et son surnom, différence de logique possiblement. Nils Styger, je l’ai, après je trouve que Nilsty c’est mignon et ça évite toute association d’idée fortuite avec une Stryge ; il a déjà une apparence démoniaque alors l’associer à une entité mineure héritée du culte romain n’est pas le meilleur, même s’il n’a aucun trait commun avec la gargouille.

Cela étant me faire reprendre ne me fait pas réellement réagir, par habitude de la chose et réflexe de continuer malgré elle, ainsi j’évacue au plus vite la nouvelle source de stress de Nils. Bon, peut-être que le sujet du lancer n’est pas le meilleur pour remonter le moral mais il évite au moins les doighettis même si je dois avouer que c’est un truc qui me fascinerait pas mal. Le plus étrange, donc parfaitement logique dans cette conversation d’une certaine manière, reste que la réaction la plus « positive » est face à ma possibilité de le blesser ; après, là encore on tire à côté. Enfin, physiquement on tire dans la bonne direction mais au figuré on se viande. Est-ce que ça vaut mieux que l’inverse ? C’est triste à dire mais, considérant l’estime de lui-même que semble avoir Nils, on tombe de moins haut. Est-ce utile de s’attarder sur les éventuelles blessures ? Je ne le fais pas pour ne pas ajouter au pessimisme, c’est pas ma partie.

Les explications sur le lancer de balle offrent une belle diversion et attirent l’attention comme il se doit, avec une perplexité que j’espère bien curieuse. La capacité de concentration de Nils est aussi impressionnante qu’amusante. Impressionnante car il scanne vraiment chaque instant de mouvement et amusante car il ne réagit plus tellement du reste du coup ; en voilà un qui devrait également s’amuser en synergologie, même s’il passerait à côté de la vision globale à se concentrer sur les détails. Je sais de quoi je parle, je maitrise très bien ; tant la synergologie que le fait de passer à côté de ce qui saute aux yeux. Mais, mauvaise foi aidant, c’est de la faute du truc : il avait qu’à sauter plus haut, c’est pas dur d’arriver dans mon champ de vision considérant que je fais un mètre soixante ! Enfin Bref.

Nils a la balle, de peu, et j’ai la tchatche, de beaucoup. Je le perds avec mon histoire de renard et la perplexité curieuse, ou curiosité perplexe je ne saurais dire pour l’heure, revient rapidement. Dois-je lui répondre ou le laisser se concentrer ? Considérant qu’il peut se déconcentrer tout seul avec des pensées parasites, autant lui filer un coup de main. Les conseils de lancer donnés, j’en poursuis donc avec l’explication liée à ma parole précédente ; une chose qui ne me gêne pas, mon cerveau étant câblé de manière à ce que les choses soient parallèles, ce qui pose la difficulté de compréhension avec la plupart des gens.


Et la balle part avec la parfaite courbe d’une cloche, me donnant tellement l’impression d’en être une également alors qu’elle retombe sans même atteindre la branche ; chose suffisante pour que je m’interrompe de contemplation, n’ayant pas le suicidaire réflexe de me jeter en avant comme un gardien de but pour découvrir environ une seconde les sensations d’un parachutiste en chute libre avant de finir telle une fiente d’oiseau sur le sol.

Le pire étant que j’ai à peine finie d’envisager l’évolution de vie que je n’aurais pas, ce qui ne prend qu’une seconde je dirais, que déjà Nils le fait et me fait sursauter ce faisant. Je me retrouve en quadrupédie par réflexe, afin d’assurer un équilibre que je viens de perdre sous le sursaut, puis me penche sur le côté pour voir au-dessous de la branche… et bien c’est une excellente question, en fait ; je vois quoi là, exactement ? Nils a débandé la quasi-totalité de son corps, formant un filet de sécurité mutant. Avec une tête et une boule devant contenir les organes vitaux, si tant est qu’ils ne soient pas élastiques comme le reste. Okay… encore une à laquelle je ne m’y attendais pas. Et je suis même pas certaine de savoir si c’est la chose la plus perturbante de ma vie. Tom en tient une bonne couche, surtout considérant qu’il n’en avait pas, mais je ne suis pas certaine de pouvoir dire si Nils est à poils considérant qu’il semble être entièrement en bandelettes.


On me pardonnera l’expression mais c’est pas le mien, vu que j’ai dit que c’est pas parce que je connaissais la vérité que je deviendrais fayote. Cela étant, je reste là à regarder Nils accrochés aux arbres et aux murs, assez perturbée pour le coup. Mais je suis un chat, je retombe toujours sur mes pattes. Encore que cette fois-ci, c’est sur Nils que je serais retombée.


Brave Lucky. Je me mets environ 10/20, pour l’effort. Nan parce que j’ai été plus convaincante à l’oral, mine de rien. Aller bordel, haut les cœurs !


Voilà, c’est un peu mieux là ; on sort presque de la normalité. Encore que la normalité est peut-être d’être extraordinaire dans ce siècle-ci. Mais passons, c’est pas l’intérêt.


Je ne perds pas le nord, forcément j’ai pleins de bons sens dont un très bon sens de l’orientation, et entreprends donc de descendre un peu de mon perchoir de chat puisqu’il n’est pas question de jouer à chat perché mais à la balle. Tout est d’une logique implacable. Une main au niveau de la branche qui me supportait jusqu’ici, pour qu’elle continue de le faire, et sa compagne en assurance contre le tronc afin de descendre d’un étage avec un pied et de poursuivre en changeant de prise avec l’autre, me voici à rejoindre le niveau de Nils.

En petit clan… J’aimerais déjà avoir un petit clan, ne serait-ce que de deux ou trois personnes, des « amis » si ce genre de chose existe pour un être de mon genre. Mais sur un point elle a raison, j’ai une mauvaise réputation mais je pense que cette dernière est justifiée. Même si je ne suis pas un monstre, je reste un mutant physiquement terrifiant et avec des capacités dangereuses qui pourraient causer la perte à mon entourage. Je n’en veux pas à ceux qui me haïssent, je crois que je n’en veux pas non plus à la Justice League de m’avoir mis hors d’état, je n’en veux pas aux X-Men de m’avoir oublié, tout comme je n’en veux pas à Cadmus pour leurs expériences, ni à Genoshan d’avoir tenté de me détruire, c’est dans leur nature je pense. Quelque part, tout cela est totalement de ma faute… Je suis né ainsi, une curiosité à étudier, une menace trop dangereuse qu’il faut absolument désactiver pour le bien de tous car même si mes intentions sont bonnes, comme elle sait le dire, les accidents comme Berlin peuvent encore arriver. Peut-être est ce que ce sont toutes ces pensées qui font que mon tir est si foireux, une cloche certes parfaite mais bien trop courte. C’est grave de se dire que même cela est trop difficile à réaliser correctement pour moi.

Au moins je fonce, autant pour la balle que pour tenter de la rattraper elle si l’idée de bondir lui viendrait à l’esprit. Il faut mieux d’ailleurs que je saute avant car si j’attends de voir sa propre réaction, cela risque de faire un crash à terre avant que j’arrive sur place. Je n’ai pas envie qu’Emma pense que j’ai voulu tuer Lucky par balle… Ce qui dit ainsi pourrait créer un quiproquo. Heureusement elle ne tombe pas alors que je suis totalement déployé, même si avec mon corps ainsi elle n’aurait surement pas souffert de la chute. La première réaction me laisse perplexe d’ailleurs, qui est Tom’s God ? Une expression je suppose non ? Enfin j’aurai tout le temps d’en parler plus tard, tout comme cette histoire de compter sur moi. Je veux dire mon action est naturelle non ? Si elle serait tombée, ce serait entièrement de ma responsabilité je pense. Je crois que c’était une forme d’humour peut-être, surtout vu la suite quand elle me parle de me détendre. Bref, quand on en vient à la balle je commence à lâcher le mur et les arbres pour reprendre une forme humanoïde et chercher du regard la fameuse balle avant de me faire quelques pas et de me pencher plus loin la ramasser.

« J’ai la balle… »

Hésitant du coup à demander plus de détails sur le Tom’s God mais mon esprit reste concentré sur sa descente, surement de crainte qu’elle tombe encore. Oui, je suis le genre de personne qui éprouve une crainte face à bien des situations. La voir arriver à ma hauteur me pousse encore plus à tenter de garder une forme convenable, ne voulant pas mettre plus mal à l’aise après cette sorte de « show ».

« Je suis navré pour ce que tu viens de voir… J’ai crains que tu chutes et je… enfin je ne voulais pas voir quelqu’un de blessé par ma faute. » Je me rends directement compte que sur le coup de je viens de la tutoyer, bravo voilà que je me permets des familiarités en plus, mais je suis insortable vraiment. Nerveusement je passe mes doigts dans ce qui ressemble à une chevelure, bougeant un peu la mâchoire de droite à gauche par réflexe. « Pardon… Je ne voulais pas… vous tutoyer, c’était nerveux… » J’espère qu’elle ne m’en voudra pas pour cette faute assez grave. J’en oublis même de lui rendre sa balle, la remarquant encore présente dans ma main et la fixant comme l’objet d’un crime, une arme qui aurait pu faire des dommages irréversibles ou encore pire, un objet que je suis occupé à voler en omettant de lui rendre. Parano ? Un peu, c’est possible oui… Disons juste que l’enchainement des évènements me rend stressé et que tout s’emballe dans mon esprit. Je suis sur que si j’avais un cerveau je serais occupé à avoir un rétrécissement d’un vaisseau sanguin et une migraine violente en approche.

D’un coup je tends ma main pour lui rendre sa balle, sans oser la regarder, fixant le sol devant moi, le même point où se trouvait ma main avec cette sphère rebondissant juste avant. Bref, au lieu de me faire tout un film, j’attends déjà qu’elle reprend cet objet en espérant pouvoir vite retourner à ma pièce, loin de toutes les formes de vie en danger. Sans avoir de gorge, je ressens pourtant comme une boule qui m’étouffe, un comble pour un être qui ne respire pas… C’est difficile d’exprimer toutes ces sensations avec des termes qui n’existent pas car les êtres comme moi ne sont pas censés être. D’ailleurs je me demande comment un homme de glace, d’eau ou d’énergie pourrait exprimer une peine de cœur vu qu’ils n’en possèdent pas ? Vous voyez ce que je veux dire non ? Non ? Bon d’accord, j’avoue que je m’exprime mal, mais mes pensées sont totalement bouleversées.

« Je ferai surement mieux de… De remonter là-haut avant… qu’il y ait d’autres catastrophes. Je ne veux pas que ma présence vous importune plus longuement. » Pour une fois j’ai trouvé les bons mots, tout ce que j’ai fait depuis le début de cette conversation, c’est l’ennuyer et lui faire prendre des risques car je ne suis pas capable de jouer convenablement avec une balle, mais ce n’est pas le genre de chose que j’ai appris à maitriser, ce que ce soit dans ma chambre seul, dans ma cuve ou dans les égouts.

Un monstre effrayé.

Nils a la balle et de nouveau une contenance humanoïde le temps que j’arrive au pied de l’arbre, ce qui est toujours plus chiant que de grimper à son sommet. Je n’en ai néanmoins jamais té à miauler les pompiers pour descendre et me débrouille comme une grande pour se faire, écoutant un peu à la volée les paroles de mon interlocuteur. Je répondrais bien à son navrement et à sa bonne volonté mais il se reprend trop tôt pour s’excuser d’un tutoiement que je ne me gêne pas de lui faire depuis le début, faisant un pas en arrière après un lapsus témoignant de son commencement de familiarité. C’était nerveux ? Possible. C’était une progression aussi. Ainsi, lorsque je suis les deux pieds par terre et me retourne vers lui, je souris à Nils et montre que je reste encore perchée.


Cool au cube, mais celle-là je vais éviter de la faire sans quoi on va tourner en rond ; ce qui est logique puisque le cube permet de quantifier le volume d’une sphère qui, comme chacun sait, est ronde. Mais plutôt que de partir sur de la géométrie dans l’espace figural, ce qui ne doit d’ailleurs absolument rien signifier pour quelqu’un s’y connaissant dans le domaine, il me faut faire une précision à Nils et je lui fais sans perdre mon amusement mais avec un peu plus de connivence.


Je retombe toujours sur mes pattes, que ce soit parce que j’ai le talent de le faire ou parce que j’ai un coup de pied de la chance pour m’y aider ; oui, à mon niveau, c’est plus un coup de pouce mais vraiment un coup de pied. C’est d’ailleurs pour ça que ça fait parfois mal au cul. Mais là n’est pas le sujet : je suis contente de ma cordelette, prouvant que je suis contente pour pas grand-chose vu que même une ficelle peut me suffire, mais ce contentement n’est pas vraiment partagé.

Nils me tend assez brutalement sa main pour me rendre la balle et, après la fixation de ce geste, j’en reviens à lui qui regarde ses pieds ou le sol mais n’a en tout cas pas bougé ; c’est l’enfant grondé, en version… Nils. Et il se commande seul de retourner sans sa chambre avant de faire pire ou de m’importuner plus longuement. Je baisse un coup les épaules et finis par me saisir de la balle, touchant la main de Nils et maintenant le contact. Ma tête se baisse un peu pour essayer d’attirer son regard par mon mouvement, quand bien même notre différence de taille est suffisante à ce que je n’ai pas à me baisser pour qu’il me voir d’au-dessus, et je parle avec plus de douceur que précédemment.


Je termine par un clin d’œil, signe de familiarité destiné à manifester la confiance voir le partage d’une information tacite, puis me retiens de tirer sur ses doigts pour voir s’ils se détissent naturellement où s’il s’agit d’une action volontaire de sa part. Ramenant mon autre main, je referme les doigts de Nils sur la balle et me recule d’un pas avec espièglerie.


Je ramène mes mains dans mes poches, lui laissant le choix quand à ce qui va suivre. J’ai bien une préférence mais je l’ai déjà pas mal brusqué je pense et je ne veux pas saborder mon approche en allant trop vite ; c’est déjà ce que je fais avec l’Alliance et le super-héroïsme, je sais, du coup autant ne pas me foirer aussi avec une personne comme Nils. Je suis ma principale antagoniste, c’est admis et je n’arrive pas à m’en dépêtrer, cependant je ne veux l’être de personne d’autre. Même s’il ne s’en rend pas compte, Nils a fait des progrès aujourd’hui : sa bienveillance envers moi l’a conduit à sortir de sa cachette et suite à cela il c’est osé à une familiarité. Sa peur de lui-même l’attire de nouveau vers sa zone de confort et je ne dois pas l’empêcher d’y retourner si c’est ce qu’il veut. Je lui montre néanmoins qu’il y a une autre possibilité ; s’il ne la saisi pas maintenant, il suffira de créer d’autres occasions de le faire et je pense qu’il y en aura foule. Que cela soit Emma, Maissa ou d’autres gens de l’Académie, il y a plein de personnes ici qui pourront l’aider à ce reconstruire. Avec plus ou moins de psychologie et de délicatesse, certes, mais quand même.

Nous en sommes au début de son renouveau et, perso, j’ai bien confiance quand au fait que ça se passe bien.